Le "S" qui achève le nom du village est d'introduction récente. Etymologiquement, rien ne le justifie. Avec une terminaison latine en"a", on devrait aboutir à un simple "e". Et telle fut l'orthographe de Chuzelle pendant des siècles.
C'est dans la première moitié du XIXe siècle que le "s" commence à apparaître sporadiquement. Toutefois, lors de sa création en 1875, dans le décret signé Mac Mahon, la commune n'a pas encore son "s" final.
Parallèlement, le registre "coté et paraphé" remis par la sous-préfecture à la mairie "pour servir à l'inscription des délibérations du conseil municipal" indique Chuzelles (avec un "s").
Au début du XXe siècle, par exemple sur les premières cartes postales, on note encore des hésitations.
Dès lors se pose la question de l'origine de ce "s" superfétatoire. Trois réponses sont possibles. Loin de s'exclure, elles peuvent se compléter :
- La graphie ancienne implique un lever de plume qui poursuit la courbe du "e" situé en finale. Cette enjolivure a pu inciter à penser à une terminaison en "s".
- L'assimilation - ou la confusion - avec la commune de Chazelles, pourtant située dans un autre département, la Loire, a indéniablement joué. Le dérapage le plus spectaculaire a lieu lors de l'établissement du cadastre dit "napoléonien" en 1824. Si le plan cadastral porte bien la mention Chuzelle, la matrice porte un beau Chazelles en lettres grasses...
- Ces explications relèvent plutôt de l'accident. Il existe sans doute une autre raison - on dirait volontiers structurelle - plus convaincante. Rappelons que, sous l'Ancien Régime, Chuzelles se composait de deux paroisses bien visibles sur la carte de Cassini (XVIIIe siècle).
L'existence de la paroisse de Saint-Maurice prit fin avec la Révolution. Le bâtiment de l'église, non entretenu et n'étant plus que ruines, finit par être rayé de la carte vers 1835. Le régime communal issu de la Révolution évite le terme de paroisse et l'avis au public pour l'ouverture des vendanges de 1797 nous livre la clé du mystère.
Il commence par ces mots : "Les citoyens des deux Chuzelles sont avertis...". Chuzelles comporte le "s" indispensable à l'accord grammatical.

Un détail orthographique peut parfois cacher une part d'histoire et renvoyer à tout un aménagement territorial étalé sur un millénaire. Le "s" de Chuzelles conserve "inconsciemment" une trace de mémoire collective et renvoie à son origine plurielle...

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